Les Tchadiens victimes de leur bravoure

La Côte d’Ivoire est qualifiée pour la finale de la coupe d’Afrique des Nations (CAN) et affrontera le Ghana, annoncent avec évidence les media.
Le Tchad, sur tout autre plan, est donné favori dans le derby qui l’oppose à Boko Haram dans le cadre d’une autre compétition, celle de la « coupe d’Afrique des armées », que le Nigeria abrite malgré lui !

Des engins de guerre extrêmement chers
Des engins de guerre extrêmement chers

En 2013, avait lieu en Afrique du sud la 29e CAN. Le Tchad n’était pas de la partie mais participait à sa Can à lui, la campagne contre les Djihadistes au Mali. Un contingent de 2 000 soldats tchadiens avaient été dépêchés pour endiguer la progression de la nébuleuse d’Al-Qaeda. Le Tchad a été sacré champion au nord Mali, secondé par la France !

La même année, le Tchad était engagé, à travers son armée sur un autre front en Centrafrique. Notre pays devait quitter la Centrafrique, expulsé pour un parti pris.
En 2015, alors que se déroule en Guinée équatoriale la 30e CAN, le Tchad se trouve comme par hasard impliqué militairement à combattre Boko Haram. La victoire semble difficile, mais certaine, de l’avis des stratèges militaires.
Il importe ici de faire ce parallélisme troublant entre la Can de football à laquelle le Tchad ne participe pas et les campagnes militaires à lui imposées.

Les mêmes causes produisent-elles  les mêmes effets 

Selon l’ancien premier Ministre Djimrangar Dadnadji, l’opération des forces armées tchadiennes au Mali, (Fatim), ont couté plus 100 milliards de CFA et une trentaine de militaires tués dont les familles sont prises en charge par le contribuable tchadien.
Apres moult hésitations, le Tchad, dans sa globalité, décide de secourir le Cameroun et le Nigeria dans la lutte contre Boko Haram. De prime abord, cette intervention difficilement contestable est absurde. Le Nigeria est une puissance d’Afrique sub-saharienne. Et il est impensable  que le Tchad, peuplé de 12 petits millions d’habitants prête mains fortes à ce pays peuplé de près de 200 millions d’humains. Au niveau des armées, le Nigeria compte 80 000 militaires actifs, alors que le Tchad en compte 25 000 ! Le Cameroun, comparé au Tchad, n’est pas un poucet. Le pays a 14 200 soldats actifs.

Les premiers tirailleurs sénégalais sont partis du Tchad…

« Le Tchad est le premier pays africain à avoir rallié la France libre du général de Gaulle, le 27 août 1940, et c’est de Fort-Lamy (devenue Ndjamena) que le premier régiment de tirailleurs sénégalais est parti pour rejoindre le général Leclerc à Douala, au Cameroun », dit l’histoire. Depuis lors, la guerre semble nous coller à la peau. En plus de 50 ans, le pays a été déchiré par des guerres fratricides, il a eu un passé conflictuel avec ses voisins, dont la Libye de Kadhafi. Depuis 2009, il n’y a pas eu de combats au Tchad. Les autorités ont alors proclamé la fin de la guerre dans le pays mais des mains invisibles les poussent à pérenniser ce rôle des bons-a-faire-la-guerre en entrainant notre armée hors du territoire national. Tout se passe comme si des lobbies auraient intérêt que le foyer de la guerre ne s’éloigne pas du Tchad pour perpétuer cette culture guerrière de génération en génération.

Des retards considérables

L’exploitation du pétrole, perçue au départ comme une chance de rattraper le retard socioéconomique a été au contraire anéantie par ces guerres à n’en point finir. Combien avons-nous dépensé pour l’armement depuis 2003, date de la sortie du premier baril du pétrole tchadien?
Pendant ce temps la population du Tchad compte parmi les plus durement frappées par la pauvreté. Le PNUD a invariablement classé le Tchad comme l’une des lanternes rouges des 200 pays les moins avancés de la terre, 184e en 2014, loin derrière le Nigeria et le Cameroun 152e. Conséquences, 80% de la population est exclue des services sociaux de base… Mais nous sommes aveuglés par l’idée qu’il n’y  a pas de développement sans paix. L’opération de notre armée au Nigeria et Cameroun intervient au moment où tous les pays exportateurs du pétrole brut réduisent au strict minimum leurs dépenses à cause de la chute du prix du brut actuellement en-dessous de 50 dollars. Au Nigeria, nous avons bombardé Gambaru trois jours de suite sans savoir combien cela coûte, ni qui va régler la facture ? Nonobstant cela, des media internationaux n’arrêtent de présenter l’armée tchadienne comme la seule capable de relever les défis les plus difficiles.

Ceux qui n’ont pas peur de la mort !
Le piège est que nous nous enfermons ou, on nous enferme dans cet instinct de guerre qui nous empêche de travailler à rien d’autre que la guerre. Nous avons la macabre réputation d’être « les vrais hommes », ceux qui n’ont pas peur de la mort ! Or qu’est-ce qu’un humain qui n’a pas peur de mourir ? Nous devons sortir de cette perception qu’on nous prête pour  être des humains ordinaires ayant le droit d’avoir peur de mourir. Car, comment pouvons-nous aimer la vie et travailler pour l’avenir de notre pays si nous n’aimons pas la vie et clamons être prêts à mourir!
De quelle nature sommes-nous faits ? Notre bravoure, notre intrépidité nous les avons développées dans l’adversité de la vie et cela ne devrait pas devenir une condamnation pour nous ni pour nos enfants.
L’émergence du pays à l’horizon 2025 ne sera pas que militaire. Elle devrait réduire au strict minimum nos dépenses militaires pour ramener la proportion des soldats de 2,5%  de la population à moins d’1% comme dans nombre de pays.  Ainsi, la campagne nigériane, quoi que justifiée, pourrait être la dernière sortie de nos soldats avant l’atteinte de l’émergence économique.

Antoine Adoum Goulgué

Chute de la ville nigériane de Baga: la secte Boko haram s’oriente-t-elle vers le Tchad ?

L’annonce est faite par l’agence France Presse (AFP) ce dimanche 04 janvier 2015:
« Le groupe islamiste nigérian, Boko Haram a pris le contrôle samedi d’une base militaire et de plusieurs localités voisines dans l’extrême nord-est du Nigeria, le long des rives du lac Tchad ». Plus inquiétant, la secte n’a pas rencontré de résistance de la part de l’armée nigériane.

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La ville de Baga se situe sur la frontière lacustre du Tchad. Désormais, seules les eaux peuvent aider l’armée tchadienne à contenir les insurgés. Quant à la raison de s’en prendre au Tchad, elle viendrait de cette localité tombée samedi. La ville abritait des soldats tchadiens membres de la force inter-état mise en place en 1998 et participaient à la traque des Djihadistes.

L’armée tchadienne, de par ses interventions foudroyantes, dissuade les djihadistes. Mais avec leurs victoires à Achighassia (Cameroun) et à Baga, les hommes de ABubakar Shekau pourraient avoir le moral qui leur permettrait d’ouvrir le front Tchadien.
Assurément, car la secte islamiste ne cache plus son intention d’étendre les frontières de l’état islamique dont elle rêve au-delà du Nigeria. Les populations vivant au nord du Cameroun et du Tchad, musulmanes et en majorité analphabètes, pourraient difficilement résister à l’appel de solidarité des islamistes.

Au Tchad, le spectre de Boko Haram plane depuis des mois et la menace est prise très au sérieux. Le président Deby a visité en 2014 plusieurs localités du Lac-Tchad, mettant en garde la population contre toute connexion avec la secte. Il est suivi dans sa démarche par les leaders religieux-musulmans et chrétiens. Les chefs des deux principales religions monothéistes au Tchad ont organisé des séminaires de sensibilisation à l’intention de leurs fidèles sur le danger que représente Boko Haram.
Cependant, la décision d’attaquer ou de ménager le Tchad dépendra de la nature des relations que le pouvoir tchadien entretient avec cette secte créée en 2002.

L’opposition tchadienne basée à l’étranger accuse le président Deby de soutenir Boko Haram afin qu’elle épargne son régime. Cette opposition véhicule les informations-non confirmées ni infirmées-selon lesquelles un proche du président Deby a été appréhendé au Soudan en possession de neuf missiles qu’il devait livrer à Boko Haram.
Les jours qui suivent permettrons de voir plus clair.

Antoine Adoum Goulgué